Un autre monde est possible

mis en ligne le 11 février 2010
En Argentine, depuis le soulèvement populaire de 2001, qui fit trente morts et des centaines de blessés et d’emprisonnés, un mouvement social sans précédent s’est amorcé. Les travailleurs ont compris qu’ils n’avaient rien à attendre de l’État et des institutions et que leur seul moyen de s’en sortir était de compter sur eux-mêmes et de prendre leur destin en main.
Des centaines d’entreprises déclarées en faillite ont été récupérées par les ouvriers et sont aujourd’hui autogérées. Elles fonctionnent sans patrons et sans chefs, et ça marche à merveille ! On estime aujourd’hui à 1 800 en Argentine le nombre de ces entreprises autogérées. Le mouvement s’étend aux États voisins (Brésil, Uruguay).
Ainsi, par exemple, la gigantesque usine de céramique Zanon, à Neuquén, la plus importante d’Argentine, est désormais aux mains de ses ouvriers et fonctionne sans actionnaires et sans hiérarchie. Chacun de ses 36 secteurs est dirigé par un coordinateur, relayé tous les mois. Tous les ouvriers sont formés pour occuper à tour de rôle ce poste de coordinateur.
Ainsi, toute tentative de rétablir la hiérarchie est vouée à l’échec.
Chaque mois, une journée entière est consacrée à la gestion de l’usine, à laquelle participent tous les travailleurs. On y discute production, mais aussi social et politique. « Pour chaque sujet nous avons un ordre du jour et tant qu’on n’a pas de solution, la journée n’est pas terminée ; il est très important d’arriver à un accord entre tous » explique Miguel, un ouvrier.
Une part importante des bénéfices est consacrée au social : des aides considérables sont versées aux hôpitaux, aux écoles, aux foyers de personnes âgées, aux pompiers, aux groupes défavorisés, etc.
Certes, tout n’est pas gagné, car le mouvement doit faire face à la haine et la hargne du patronat, de l’État, des médias, du FMI et même des partis et des syndicats !
L’État argentin a déclaré qu’il ferait appel à l’armée si nécessaire pour endiguer le mouvement social.
Car la seule vocation d’un État consiste à empêcher, par tous les moyens, l’émancipation de ses administrés.
Quant aux multinationales, elles refusent d’acheter des produits aux entreprises autogérées.
Les travailleurs argentins nous ont prouvé qu’un autre monde est bien possible, que l’on peut travailler sans patrons ni chefaillons.
L’utopie est devenue réalité !
Utopie ? C’est plutôt le capitalisme la sinistre utopie ! La course effrénée au profit ne peut qu’engendrer la crise, la misère, la violence, le malheur.
Le capitalisme n’a jamais fonctionné, et il ne fonctionnera jamais. Ceux qui croient qu’on peut le réformer ou le moraliser sont de doux rêveurs.
Les travailleurs argentins ont donné au monde entier une magnifique leçon.
Une leçon que les Français ne sont pas prêts d’apprendre, car chez nous le culte du patron et du chef est une maladie bien ancrée.
Au pays de la liberté et des droits de l’homme, en 2009, qui dit travail dit toujours pression, stress, surmenage, harcèlement, engueulades, brimades, humiliations, discrimination, arbitraire, violence, souffrance, dépression, misère…
Je ne me lasserai jamais de dénoncer ce système de charogne. Je me lève tôt et me couche tard pour le haïr et le combattre.

Bernard Baudoin
Militant au soviet Gaston Couté de la Fédération anarchiste