La fange, bien d’chez nous

mis en ligne le 25 février 2010
En décembre, dans les télés et les radios ayant signé le pacte de servilité gouvernementale, il n’était question que du subclaquant Jauni Alité et des jérémiades de son producteur, un certain Camus (eh oui, on a les Camus que l’on mérite, dans cette France abêtie). Ce quasi-deuil national – par anticipation – ne laissait guère de place à l’évocation d’un fait pourtant fort troublant. Le 13 décembre, l’Union des patrons juifs de France (UPJF) décernait son Prix de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme à… Brice Hortefeux ! Dans son discours de réception, le ministre a osé souligner « l’attachement des pouvoirs publics à la lutte contre toute forme de rejet » et affirmer que « nous devons vivre dans une République garante d’une laïcité positive et ouverte ».
Mais qu’est-ce donc que l’UPJF ? C’est un ramassis de patrons, comme son nom l’indique, avec des préoccupations de patrons, évidemment, mais ce qui les rassemble, ce sont d’une part un soutien inconditionnel à l’État d’Israël, d’autre part un attrait inconsidéré pour le ridicule et le sordide qui constituent le fond métaphysique du judaïsme en particulier, des monothéismes en général. On lit ainsi (www.upjf.org, rubrique « Religions ») des articles titrés « Je changerai leur deuil en allégresse » au sujet de la destruction du temple de Jérusalem (« Un très beau texte […] qui nous offre une méditation tissée de réminiscences bibliques. Tout Juif les perçoit sans peine. » Je souligne car, selon cette conception intégralement théologique de la judéité, un Juif athée comme moi – qui ne perçoit rien de tel ! – n’est donc pas juif), ou encore « Nature et miracle dans la pensée juive », qui suinte de cette idée abjecte selon laquelle « le monde est un cadeau de Dieu renouvelé chaque matin ». Dernier exemple, on y trouve un « dossier […] sur une institution religieuse mal connue, voire calomniée, qui permet à des soldats israéliens aux fortes convictions religieuses de concilier les exigences de leur foi et de leurs observances avec le service national de défense de la nation ». Etc.
On eût aimé qu’Hortefeux se vît décerner un prix de la honte, mais dans notre pays en pleine décrépitude morale, c’est un prix honteux qui honore le co-ministre du coup de pied au cul pour clandestins afghans.

La trostskomédie du pouvoir
Haro sur Besancenot ! Beaucoup trouvent cela injuste, excessif. Suivez bien le « raisonnement » : Besancenot adoube aux régionales une candidate NPA portant un foulard sur les cheveux (Ilhem Moussaïd) et qui assure qu’« on peut être laïque, féministe et voilée » ; certains s’en émeuvent – à l’intérieur même de son parti – et aussitôt la sanction tombe : ces critiques – en dehors de son parti – ne peuvent être motivées que par l’islamophobie et, ipso facto, par le racisme.
À la limite, on se fout un peu, voire pas mal, de savoir si Besancenot, en agissant de la sorte, est fidèle aux idées de Marx ou de Trotsky : la machine à brasser de l’exégèse marxiste est en marche et je ne vais pas en rajouter. Il y a ceux (je pourrais en être) qui affirment que « l’opium du peuple » est à combattre sans cesse et sans compromis possible (« Ni dieu, ni maître ») ; et ceux qui trouveront toujours dans les méandres du corpus marxiste les moyens de conclure à la parfaite adéquation révolutionnaire de la manigance besancenotienne.
Au lieu d’arguties comme celles qui lui ont fait dire que l’abbé Pierre avait siégé à l’Assemblée nationale en soutane (c’était dans les années 1950), Besancenot ne devrait avoir qu’une seule ligne d’attaque : hacher menu ce gouvernement infâme (« Eat The Rich », comme le vocifère Motörhead, « A Bullet in the Head », comme le réclame Rage Against The Machine), car il mène une indéniable guerre contre les pauvres et les démunis, tout en agissant avec assiduité pour le développement de la pauvreté. La lutte des classes, la lutte contre les castes (y compris religieuses), encore et toujours. De même, il est impérieux de lutter contre tous les reliquats de judéo-christianisme qui obèrent, avec une constante obstination, les progrès en matière de libre disposition du corps : contraception, avortement, choix de la fin de vie… Ne sont-ce pas là des enjeux considérables ô combien plus cruciaux que la rachitique revendication de se couvrir la tête, en toutes circonstances, en signe d’allégeance à un Dieu ?
Il devient donc clair que le NPA – qui, rappelons-le, via Besancenot, préfacier d’Évolution et révolution d’Élisée Reclus, se réclame d’un illusoire courant « guévariste-libertaire » – n’a pas vocation à défendre l’athéisme en tant qu’élément fondamental de son programme. En ce sens, ce parti n’est pas révolutionnaire, car l’avènement d’une société athée de grande ampleur serait un événement inédit dans l’histoire de l’humanité. Anticapitalisme et athéisme sont, à mon avis, sinon indissociables, en tout cas se doivent d’être indissociés. En se réclamant de facto d’une forme très édulcorée de laïcité (dite « ouverte », selon une terminologie inepte mais manipulatrice laissant penser qu’elle s’oppose à une laïcité « fermée »), on assiste à une abdication bourgeoise de bien médiocre envergure. Ne se pouvait-il donc pas que ce parti fît siennes ces paroles indépassables du député Maurice Allard, auteur d’un projet de loi de laïcité beaucoup plus exigeant que celui que nous connaissons, lui qui avertissait avec force qu’« il ne faut pas se laisser leurrer par le mot de « séparation de l’Église et de l’État ». Ce mot de « séparation », si prestigieux qu’il soit, n’a aucun sens alors qu’on n’y applique pas des idées précises, des idées déterminées. Il y a telle ou telle séparation dont l’Église peut parfaitement s’accommoder ; mais, nous, libres penseurs, quelle est la séparation que nous voulons ? Ce ne peut être que celle qui amènera la diminution de la malfaisance de l’Église et des religions. […] Aussi qu’est-ce que je demande à la gauche ? Je lui demande d’adopter comme postulatum […] de décider que l’Église, danger politique et danger social, doit être combattue de toutes les façons » (discours à la Chambre, débat sur la loi de séparation de l’Église et de l’État, séance du 10 avril 1905) : « Ah ! la bourgeoisie sait ce qu’elle dit quand elle affirme qu’il faut une religion pour le peuple. Au fond, c’est là toute sa conscience religieuse. Il faut une religion pour le peuple, parce que pendant que vous entretenez le peuple dans cet état de subjectivité, pendant que vous le bercez avec les rêveries mystiques et religieuses, pendant ce temps, la bourgeoisie, tout à fait objective, elle, sait tirer parti du monde extérieur où elle trouve abondance et richesses. Nous combattons donc la religion, parce que nous voyons dans la religion le plus grand moyen qui reste encore entre les mains de la bourgeoisie, entre les mains des capitalistes, pour conserver le travailleur dans son état de dépendance économique. Voilà pourquoi nous faisons la guerre à tous les cultes et pourquoi nous en sommes les adversaires les plus acharnés » (ibid.).
Il semble donc que dans ce pays l’athéisme militant ne puisse pas être clairement intégré dans le programme d’un tel parti se soumettant à l’approbation d’éventuels électeurs (dont les cheveux sont ceints d’un isoloir…), car il n’est pas accepté que l’on raille, pire, que l’on assaille de reproches l’idée funeste de ce Dieu « fabricant maladroit d’un monde raté » (ibid.).

Du poison dans la béchamel
Allez, une petite note caustique pour finir. Depuis quelques jours, les médias se gaussent de ce qui est récemment arrivé à BHL, philosophe de pacotille et chantre perpétuel de lui-même. Pensez donc, le « cuistrillon » (cuistre doublé d’histrion) s’est entiché d’un auteur inventé par les espiègles membres de l’Association des amis de Jean-Baptiste Botul. Dans son dernier livre (ah si c’était vrai !), BHL – qui a sans doute fait la fortune de son fabricant de chemises blanches sur mesure – cite avec emphase et fatuité un certain Botul, dont la doctrine s’appelle le botulisme. Botul, botulisme… Ça fait penser au botulisme, grave maladie entraînant une paralysie. Elle est généralement contractée par ingestion de conserves avariées. Doit pas en manger souvent, des conserves de raviolis, le Tartarin de Saint-Germain-des-Près. On aurait pourtant souhaité que BHL soit paralysé de son membre graphomaniaque… Plus ironique encore, dans le botulisme, c’est la toxine botulique qui frappe le malade, mais cette toxine (extrêmement puissante) est aussi connue dans sa version cosmétique puisqu’elle est l’un des composants du Botox. BHL aurait dû être au courant : sa compagne en utilise des hectolitres. Mais plus sérieusement, l’important de l’histoire est que BHL et plusieurs autres péroreurs télévisuellement patentés encombrent les médias, quoi qu’ils profèrent, quoiqu’ils aient à vendre. La France regorge de philosophes, de penseurs, de scientifiques talentueux, originaux et véritablement savants mais qui donne-t-on à voir, à entendre, dans les mass media voués au décervelage ? Les BHL et consorts ! Les creux et les outres à vent. Et si les journaleux, serviteurs de ces médias, se sont moqués de BHL au sujet de Botul, c’est tout simplement qu’ils sont incapables de faire autrement : la moquerie est aisée, et offre un spectacle, alors que la critique des textes, des idées n’est décidément pas à leur portée. Des ignorants ne peuvent rien faire d’autre que d’égratigner celui qui leur apporte leur pitance, pour se donner l’impression d’avoir fait œuvre de journalisme.
Dans une prochaine série des « cons du moment », on ira voir du côté de l’imposteur Claude Allègre, celui qui a une boule de neige à la place du cerveau…