En prison à  Carabanchel Alto

mis en ligne le 19 décembre 2005

de 1963 à  1965 pour la FIJL

Aux réunions de l'ASRAS (Alliance syndicaliste révolutionnaire et anarchosyndicaliste), on préférait les locaux militants de plain pied. Sinon il fallait porter Alain et son fauteuil roulant dans les escaliers des vénérables immeubles que nous fréquentions dans les années 70. À Frente libertario, rue Saint-Denis, ça allait, à la coopérative Solidarité ouvrière, rue Jean-Pierre-Timbaud, il y avait plus d'étages !

Les nouveaux camarades dont j'étais, savaient vaguement qu'Alain avait fait des actions en Espagne, qu'il avait eu un « accident » après, mais le camarade Pecunia ne se racontait pas beaucoup. La militance de l'exil libertaire espagnol en savait plus que nous, jeunes de l'après 68 attirés par les idées anarchosyndicalistes.

Quarante années après, avec la parution du livre Les Ombres ardentes, centré sur la prison de Carabanchel Alto, édité par Cheminements, Alain Pecunia raconte l'aventure d'« un Français de 17 ans dans les prisons franquistes ». Dans la quatrième de couverture une phrase résume bien les intentions de l'auteur : « Ce récit bouleversant, sans haine ni passion, porte un éclairage nouveau sur les années soixante en France et en Espagne. »

Alain n'a pas cherché, des années après, à régler des comptes. Il raconte simplement son juvénile engagement militant qui l'a mené des Jeunesses communistes avant la guerre d'Algérie au groupe Louise-Michel puis à la Fédération ibérique des jeunesses libertaires (FIJL).

Pecunia n'était-il qu'un jeune révolté tenté par le terrorisme ? Dès les premières pages des Ombres ardentes (qui traitent d'emblée de son arrestation, le 6 avril 1963), le point est fait : « En tout état de cause, quelles que soient les difficultés rencontrées pour déposer nos bombes et les armer, les directives de notre organisation sont formelles : ne pas faire de victimes. Nous faisons du terrorisme sans terrorisme . Depuis 1961 en divers endroits en Europe, depuis 1962 en Espagne, l'organisation posait des bombes pour mettre un frein au développement du tourisme en Espagne et attirer l'attention de l'opinion publique européenne sur la survivance du régime fasciste espagnol. »

Les actions de la FIJL n'étaient-elles que des coups d'épée dans l'eau, la mort de Delgado et Granado aurait-elle pu être évitée, les projets du mouvement libertaire en Espagne auraient-ils pris de l'ampleur si... ? Autant de questions où le lecteur, la lectrice au fait des difficultés internes de l'exil confédéral dans les années 60 pourra s'interroger, mais là n'est pas le propos de l'auteur. Alain Pecunia se limite dans son livre à raconter les faits. à la fin d'Ombres ardentes est traité son « accident » et ses circonstances. Quand après son retour d'Espagne il fut laissé pour mort près de Pornic où il était en vacances (fin 1966). La colonne vertébrale brisée et, depuis, sur un fauteuil roulant. Les « pourquoi » et « qui » restent encore dans des dossiers inaccessibles.

Pour ce qui est du reste, son parcours militant ultérieur, sur l'ASRAS, le Comité Espagne libre, vous pourrez le questionner le week end prochain ! Il vous reste à lire son livre, hommage aux mineurs des Asturies, paysans de Valence, camarades de la CNT, de l'ASO et les autres de Carabanchel Alto.