Liberté d'expression !

mis en ligne le 2 septembre 2007

Contre la fascisme et la pensée unique

Sommes-nous dans une mauvaise passe ? Est-ce seulement une série de coïncidences ? Ou bien s’agit-il plutôt d’une évolution durable, d’une tendance lourde comme disent les spécialistes en communication ? Le Monde libertaire en est à son troisième procès en l’espace de deux ans. De son côté Radio libertaire est aussi visée par l’intermédiaire de la mise en examen de l’animatrice de l’émission «Ras-les-murs», elle aussi au prétexte de diffamation. Il est vrai qu’en l’occurrence, c’est l’exercice de la Justice elle-même qui fut mis en cause par la lettre d’un détenu lue à l’antenne [[Une présence nombreuse le mercredi 1er juillet à 14 heures au Tribunal de Versailles sera une expression tangible de solidarité. La solidarité financière est elle aussi nécessaire. Chèques à l’ordre de M. Boury, mention « Procès Radio libertaire » à envoyer à la librairie du Monde libertaire, 145, rue Amelot, 75011 Paris.]].

Il y a quelques semaines, un journal, Le Chat noir, feuille libertaire minuscule et confidentielle, fut, pour un prétexte dérisoire, condamnée à près de 27 000 FF d’amende [[Le Chat Noir, c/o ÉGRÉGORE, B.P. 1213, 51058 Reims cedex.]]. On se souvient aussi de ce livre de Gaudino qui valu à son éditeur une condamnation à payer 100 000 FF par exemplaire vendu…

Les faits

Nicole, animatrice de l’émission «Ras-les-murs» a lu à l’antenne une lettre dénonçant de façon précise les conditions d’exploitation des détenus dans les ateliers de la prison de Bois-d’Arcy (78) : main d’œuvre à très bon marché, salaires de misère sur lesquels sont prélevés des frais énormes d’entretien des vêtements de travail, cadences infernales, etc. Cette lettre évoquait aussi les conditions d’encadrement des ateliers, les pratiques plus ou moins honnêtes de certains personnels d’encadrement et la complicité de responsables. Un surveillant était cité nommément. Celui-ci a donc déposé une plainte.

Quant à M. Pajon, maire de Noisy-le-Grand, il lui a déplu que l’on ait pu écrire dans Le Monde libertaire que : «La première apparition publique [du collectif noiséen de vigilance antifasciste] sera de recouvrir les inscriptions racistes qui souillent la ville et que le maire refuse de faire nettoyer par ses services. » Cela laissait supposer effectivement qu’il ne faisait pas son travail… Il n’était en revanche pas dérangé par le fait que l’on puisse écrire qu’il accorde un permis de construire à une église intégriste, secte fasciste, alors qu’il en refuse un à la secte des Témoins de Jehova. Il n’était pas davantage incommodé que l’on fasse état de la censure qu’il exerçait dans le bulletin municipal.

Concernant le socialiste Michel Pajon, on sait qu’il a une conception très personnelle de la liberté d’expression. Ainsi, le bulletin municipal de Noisy-le-Grand comporte une page de tribunes libres, ouverte aux formations politiques de l’opposition municipale. Dernièrement, en lieu et place du texte du RPR : rien ; en revanche le FN n’avait pas quant à lui à subir la censure du maire. Pourtant son propos était tout simplement xénophobe. Le feuillet du RPR était-il pire ? Les noiséens le sauront-il un jour ?

Concernant le maton accusé d’indélicatesse, le ministère de la Justice en prendra lui-même la défense. La Justice, qui sera donc à la fois juge et partie, va-t-elle se débouter ?

De la diffamation à la censure

On a bien vu venir, il y a quelques années, la vogue du « politiquement correct » et ses conséquences judiciaires. Est-il politiquement correct de réclamer 130 000 FF à un hebdomadaire militant, bien évidemment sans publicité, et qui a du mal à équilibrer ses comptes ? Non ! Mais les anarchistes ne sont pas « politiquement corrects ». Ils revendiquent l’irrespect chaque fois qu’il est mérité ; ils revendiquent la caricature au nom de la liberté d’interpeller et de plaisanter et ils peuvent aussi revendiquer la mise au jour des petites magouilles politiciennes – de droite ou de gauche – dont la révélation est forcément diffamante, mais tellement salutaire.

Derrière le recours à la Justice au motif de diffamation, il n’y a pas toujours une volonté de se défendre, mais il y a fréquemment une volonté de faire taire. Le moyen est simplement la réclamation d’une amende démesurée, l’étranglement économique. Cela est bien sûr fort peu honorable pour qui en a l’initiative.

La censure a une histoire maintenant fort ancienne, elle fait partie de l’histoire du pouvoir. Il y a pourtant des fluctuations au fil du temps. Si nous constatons aujourd’hui un retour de l’ordre moral, ce n’est pas seulement à l’écoute de la propagande de certains politiciens ou religieux mais aussi au regard de la relative apathie face à l’avancée de cette terreur intellectuelle et physique. La question des sans-papiers, la « politique de la famille », la non-réponse au problème du chômage sont autant d’indices d’un consensus gauche-droite au moment même où les passerelles entre les partis traditionnels et l’extrême droite sont de plus en plus visibles.

À l’heure où Bruno Mégret prend explicitement la défense d’un meurtrier raciste ; à l’heure où de plus en plus d’élus de la droite et du centre entrent dans la voie de la collaboration, la liberté d’expression doit faire l’objet d’une défense active et solidaire de la part de tous ceux qui souhaitent un avenir meilleur que celui vers lequel beaucoup voudraient nous entraîner.

Groupe Sacco et Vanzetti (Chelles)