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Dans un sale État
par C. le 14 avril 2016

Un tir tendu

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Témoignage d’un camarade blessé lors des manifestations




Un camarade du groupe Regard Noir a été blessé au cours de la manifestation de ce samedi 9 avril. Nous ne sommes ni les premièr-es ni les dernièr-es, mais nous tenions à écrire quelques mots sur le sujet pour relater notre expérience. Nous étions place de la Nation en fin d’après-midi, des camarades masqué-es manifestaient fermement leur divergence d’opinion avec la police, le dialogue s’installait. Nous étions en retrait, ayant choisi un autre mode d’action. Loin de nous l’idée de chercher à dissocier entre bon-nes et mauvais-es manifestant-es, mais nous n’étions pas particulièrement actif-ves à ce moment-là. Au cours d’une énième charge de la police, le copain a senti un projectile le frapper violemment au niveau de la jambe. Il a réussi à s’enfuir, mais à grand-peine.
Voici son témoignage :

J’étais place de la Nation en fin d’après-midi, des camarades masqué.e.s manifestaient de manière spectaculaire leur opposition à cette loi et à la police. J’observais, à visage découvert et drapeau noir en main, cette forme de dialogue social avec la police lorsque, lors d’une énième salve, je reçus une grenade lacrymogène en tir tendu au niveau de la cheville. J’étais pourtant en retrait, à distance des "affrontements" et des camarades cagoulé.e.s, donc un CSI à sciemment fait le choix de viser un manifestant à distance, coupable du seul affront de ne pas reculer lors des salves de lacrymo.
Pour ceux imaginant mal le choc, figurez-vous un énorme coup de masse à la cheville, bien pire que n’importe quel coup de matraque que j’ai reçu à ce jour.
Le coup arriva en même temps qu’une charge : je dus donc partir en courant avec une jambe non fonctionnelle. C’est là que les copains et les copines de l’équipe médicale me récupérèrent, voyant mon incapacité à courir. Étant incapable de marcher iels me portèrent jusqu’à un terre-plein de la place où iels commencèrent à me soigner, à nettoyer la plaie et apposer du froid sur l’impact. Heureusement l’adrénaline me préservait encore de la douleur, je dus cependant lutter pour rester conscient.

À ce moment mes camarades décidèrent de m’extraire de la place pour m’amener à un local syndical ami proche et je dois dire qu’être porté sur le dos d’un copain dans le métro, rempli de keufs, alors que la moindre brise de vent sur votre jambe vous emporte dans l’inconscience est une expérience plutôt horrible. Pourtant, arrivés au local, c’est là que le pire commença. L’adrénaline retomba et ma jambe se mit à gonfler énormément, je commençai à craindre pour l’état de mes os en dessous... tout ça en plus d’une douleur insoutenable qui me fit perdre connaissance plusieurs fois.
Le SAMU n’arrivant pas, pour une raison X ou Y, je dus subir cette douleur pendant une bonne heure tout en délirant et en passant sporadiquement de la conscience à l’inconscience.
Ce fut déjà une horreur de subir ça dans un local entouré d’ami.e.s, je n’imagine pas à quelle point ça aurait été pire en plein milieu de la place de la Nation, sous la pluie, dans un nuage de lacrymo, entre les charges et avec en permanence l’épée de Damoclès de finir récupéré par les keufs pour finir en GAV.

Finalement, le SAMU arriva pour me récupérer. Cette histoire valût presque le coup rien que pour voir leur tête lorsque que l’on leur annonça que j’avais été touché par une grenade. Presque. Je finis donc au urgences de l’hôpital Tenon où je fis diverses radios pour découvrir que j’échappais de peu à la fracture. Ouf. Je ressors donc de cette histoire avec "juste" un gros hématome à la malléole, et une paire de béquilles sans laquelle je ne peux pas marcher.

Cette violence n’est pas gratuite, c’est une volonté politique : la volonté de faire peur, de démobiliser, pour que demain les manifestant viennent avec la peur au ventre.
Pour moi ça n’a pas marché : là où personnellement j’appréhendais énormément ce genre d’événements, je sais aujourd’hui que, grâce à la solidarité de mes camarades, c’est surmontable. Depuis le moment où j’ai été touché jusqu’au moment où je suis rentré chez moi, j’ai été accompagné, souvent par des personnes que je ne connaissais même pas.
En ça, je peux remercier les copains et les copines de l’équipe médicale pour leur vigilance, les camarades du syndicat pour leur aide et mes camarades de m’avoir extrait de la place.
Je ne peux malheureusement m’empêcher de penser aux personnes ne possédant pas les mêmes réseaux et subissant pourtant la même violence.

Ceci me permet de conclure en disant que l’on doit renforcer la solidarité entre camarades, que l’on doit mieux soutenir plus les initiatives comme les équipes médicales et les legal team. On ne peut pas juste continuer les actions en laissant les blessés, souvent plus graves que moi, sur les côtés, surtout sachant que la police bloque l’arrivée des secours.

La solution pour combattre la répression, c’est la solidarité.
(C., du groupe Regard Noir)



Nous tenons à remercier chaleureusement les copines et copains de l’équipe médicale qui l’ont immédiatement pris en charge et nous ont aidé-es à le mettre à l’abri. Le choc ayant été brutal, le copain est tombé dans les pommes à plusieurs reprises, et nous avons décidé de le porter à un local ami non loin de là. Les flics qui grouillaient dans les couloirs de Nation ne nous ont heureusement pas arrêté-es et nous avons atteint le lieu sans encombre. Les camarades nous ont accueilli-es, et vu l’état du copain qui tournait de l’œil à chaque mouvement de sa jambe, nous avons décidé d’appeler les secours. Le vrai problème a alors commencé. Les pompiers nous redirigeaint vers le SAMU; le SAMU nous disaient de nous débrouiller en prenant un taxi...
Les copines et copains du local, ayant rappelé, patienté, et argué de leur statut syndical, le SAMU a fini par accepter de nous envoyer une ambulance pour transporter le copain aux Urgences. Un grand merci à elles et eux, iels se reconnaîtront si iels lisent cela, la solidarité entre camarades ça fait chaud au cœur.
Tout ceci a pris près d’une heure, expérience extrêmement douloureuse pour notre ami, qui nous a fait une belle peur. Heureusement le camarade va bien, rien de cassé, mais il a gagné deux bonnes semaines de repos.

Maintenant pour le reste ; il s’agit assez probablement d’un tir tendu de grenade lacrymogène, vu le type de blessure.
Les flics ont donc shooté une personne qui se contentait d’être présente, avec une utilisation illégale de leur armement. Voilà ce qu’on risque en ce moment à manifester. Pas vraiment de surprise de notre coté, mais on a compris le message.

La stratégie policière fonctionne sur la peur, ne nous laissons pas faire. Partageons des savoirs techniques en terme de sécurité collective, restons solidaires, organisons-nous et ripostons !

À la prochaine !



PAR : C.
Groupe Regard Noir de la Fédération anarchiste
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1

le 14 avril 2016 20:45:24 par luc lefort

"Nous étions place de la Nation en fin d’après-midi, des camarades masqué-es manifestaient fermement leur divergence d’opinion avec la police, le dialogue s’installait."
le dialogue entre les anars et les flics, dans la rue, est empreint d’une violente poésie passionnée!!

2

le 15 avril 2016 11:30:19 par CRML

Chacun peut constater que la passion débordante de la police ne se limite pas aux seuls anars, et que n’importe quel manifestant, même le plus réservé, est susceptible de faire l’objet de leurs touchantes attentions...

3

le 16 avril 2016 19:36:37 par rom1

s’il vous plai^t ne mettez pas des tirets pour la feminisation des mots. cela nuit à la lecture. des parenthèses seraient peut-etre appropriées.

4

le 19 avril 2016 21:27:52 par Je sais bien que avec ou sans m

sque, un anar peut être un anar, mais tant de gens se masquent de nos jours qu’un visage vaut mieux pour une juste cause.

5

le 19 avril 2016 21:57:19 par Christian Collas

Les mecs ( nanas, c’est plus rare, elles sont courageuses et plus intelligentes que les petits mâles testostéronés ) encagoulés devraient rester chez eux. La peur d’être reconnus colle mal avec l’action révolutionnaire, pensez-pas? Il y a si longtemps que le système assimile anarchie et désordre. L’anarchisme n’a rien à voir avec le défoulement , si compréhensible qu’il soit, d’une jeunesse flouée. Mais demandez-leur, à ces encagoulés, s’ils cherchent à renserser un système ultra-libéral plus qu’à se défouler comme des gamins irresponsables.