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Chroniques du temps réel
par Bernard le 9 avril 2017

Les habits neufs du châtelain

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L’est bien biau not’ seigneur du châtiau. Rien qu’à le zieuter, nous donne des frissons. C’est point tous les jours qu’on peut l’voir parader par nos ch’mins alors, quand ça s’passe, faut pas l’rater. A matines, dans la chapelle du domaine, toujours l’premier à s’faire voir le missel à la main mais par nos ch’mins, y a risque de boue et de mauvaises rencontres.

Ce matin, le v’là-t’y pas à nous faire tout son boniment de prétendant au trône. Dans l’temps, l’Pape de Rome venait faire ses salamalecs avant de poser la couronne sur la tête de l’élu du triangle avec un œil dedans. « Et Pape a dit et Papada, Loulou je te fais roy du royaume, profites-en bien… »
Tous les autres rejoignaient le troupiau des obéissants. Pasque ne point accepter le chef du troupiau, c’était s’attirer les foudres du mec sur son nuage. Alors, le Loulou ou tous les autres loustiques de son acabit… y z’en profitaient bien, les salopiaux !

Maint’nant que not’ Dame la République, elle a dit que les roys on n’en voulait plus ; que le pape est retourné bouder dans son coin laissant au troupiau le droit de se choisir son chef ; y a bousculade des prétendants au titre. Fini les « Fiston, j’appelle l’homme à la mitre et j’te laisse les clés d’la boutique. » alors les futurs repreneurs, y s’parent de leurs plus biaux atours, y zieutent pour voir comment gruger le peuple en lui servant des menteries qui lui plaisent et zou… y a pu qu’à cueillir le trône quand tout le monde roupille.

Not’ seigneur du château a une rude concurrence et ça, l’a biau faire tous les efforts possibles et inimaginables, ça dépasse son entendement. Lui qui crache pas sur l’tit bout du p’tit Jésus tous les dimanches, lui qui fait d’l’œil au Saint Siège en récitant des « in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti » à tour de bras pour que l’autre… y voye bien que… « Filii » c’est un signe… peut pas comprendre que le trône tombe pas tout droit dans son escarcelle.
Pendant ce temps, sont là, les autres, à tourner autour du fameux trône comme un bataillon de marmousets qu’auraient mangé trop d’pommes trop vertes.
Et puis, y a l’peuple souverain qui tourne autour de ces bestiaux comme au comice agricole, tâtant les programmes, soupesant les promesses et repartant en se grattant la tête pas sûr d’avoir envie de choisir.
Surtout qu’y a le jeune margoulin échappé du palais (cf la chronique "le fugitif") qui va manger à tous les râteliers avec la bénédiction des rentiers du bourg . Lui, il beugle un bon coup et hop, v’là-t’y pas que ça accourt de partout pour l’aider à bousculer les autres filous. Et puis y a l’aut’ qui fait fureur avec son armée de loups à piau de mouton. Not’ seigneur du châtiau, en est tout chafouin d’avoir pas osé braver la justice comme la blonde cheffe de meute. Pi y a encore les aut’…

Not’ bon maître du châtiau, l’a eu la point bonne idée de donner de l’ouvrage à sa dame et maintenant, y des marauds de juges et de gratte-gazettes qui hurlent à la filouterie. Vont chercher des poux sur la tête au châtelain en disant que sa dame se serait vautrée dans les travaux fictifs. Les incultes. Pi y la progéniture qui se serait servi à pleines poignées dans les coffres de la République avant de se faire rançonner par leurs Thénardier de parents. Pi y a les costumes qui coûtent une petite fortune…
Costumes, emplois fictifs…. Les marauds de juges et de gratte-gazettes !

Il y a de longues années, vivait un empereur qui aimait plus que tous les habits neufs, qu’il dépensait tout son argent pour être bien habillé. Il ne se souciait pas de ses soldats, ni du théâtre, ni de ses promenades dans les bois, si ce n’était pour faire le montre de ses vêtements neufs. […]
Un jour, arrivèrent deux escrocs qui affirmèrent être tisserands et être capables de pouvoir tisser la plus belle étoffe que l’on pût imaginer. Non seulement les couleurs et le motif seraient exceptionnellement beaux, mais les vêtements qui en seraient confectionnés posséderaient l’étonnante propriété d’être invisibles aux yeux de ceux qui ne convenaient pas à leurs fonctions ou qui étaient simplement idiots.
"Ce serait des vêtements précieux", se dit l’empereur. "Si j’en avais de pareils, je pourrais découvrir qui, de mes sujets, ne sied pas à ses fonctions et départager les intelligents des imbéciles ! Je dois sur le champ me faire tisser cette étoffe!" Il donna aux deux escrocs une avance sur leur travail et ceux-ci se mirent à l’ouvrage.
Ils installèrent deux métiers à tisser, mais ils firent semblant de travailler. […]
"Je voudrais bien savoir où ils en sont avec l’étoffe!", se dit l’empereur. Mais il se sentait mal à l’aise à l’idée qu’elle soit invisible aux yeux de ceux qui sont sots ou mal dans leur fonction. Il se dit qu’il n’avait rien à craindre pour lui-même, mais préféra dépêcher quelqu’un d’autre pour voir comment cela se passait. […]
"Je vais envoyer mon vieux et honnête ministre auprès des tisserands", se dit l’empereur. […]
Le vieux et bon ministre alla donc dans l’atelier où les deux escrocs étaient assis, travaillant sur leurs métiers vides. "Que Dieu nous garde!", pensa le ministre en écarquillant les yeux. "Je ne vois rien du tout!" Mais il se garda bien de le dire. […]
"Eh bien, qu’en dites-vous ?", demanda l’un des tisserands.
"Oh, c’est ravissant, tout ce qu’il y a de plus joli !", répondit le vieux ministre, en regardant au travers de ses lunettes. […]
Les deux escrocs exigèrent encore plus d’argent, plus de soie et plus d’or pour leur tissage. Ils mettaient tout dans leurs poches et rien sur les métiers; mais ils continuèrent, comme ils l’avaient fait jusqu’ici, à faire semblant de travailler.
L’empereur envoya bientôt un autre honnête fonctionnaire pour voir où en était le travail et quand l’étoffe serait bientôt prête. Il arriva à cet homme ce qui était arrivé au ministre: il regarda et regarda encore, mais comme il n’y avait rien sur le métier, il ne put rien y voir.[…]
"Je ne suis pas sot, se dit le fonctionnaire; ce serait donc que je ne conviens pas à mes fonctions? Ce serait plutôt étrange, mais je ne dois pas le laisser paraître!" […]
"Oui, c’est tout-à-fait merveilleux!", dit-il à l’empereur. […]
Dans la ville, tout le monde parlait de la magnifique étoffe, et l’empereur voulu la voir de ses propres yeux tandis qu’elle se trouvait encore sur le métier. […]
"Comment!, pensa l’Empereur, mais je ne vois rien! C’est affreux! Serais-je sot? Ne serais-je pas fait pour être empereur? Ce serait bien la chose la plus terrible qui puisse jamais m’arriver."
"Magnifique, ravissant, parfait, dit-il finalement, je donne ma plus haute approbation!" […] L’empereur décora chacun des escrocs d’une croix de chevalier qu’ils mirent à leur boutonnière et il leur donna le titre de gentilshommes tisserands. […]
Tous les gens pouvaient se rendre compte du mal qu’ils se donnaient pour terminer les habits de l’empereur. Les tisserands firent semblant d’enlever l’étoffe de sur le métier, coupèrent dans l’air avec de gros ciseaux, cousirent avec des aiguilles sans fils et dirent finalement: "Voyez, les habits neufs de l’empereur sont à présent terminés !"
"Voyez, Majesté, voici le pantalon, voilà la veste, voilà le manteau!" et ainsi de suite. "C’est aussi léger qu’une toile d’araignée; on croirait presque qu’on n’a rien sur le corps, mais c’est là toute la beauté de la chose!"[…]
"Est-ce que cela ne me va pas bien ? Et il en se tourna encore une fois devant le miroir, car il devait faire semblant de bien contempler son costume. […]
C’est ainsi que l’Empereur marchait devant la procession sous le magnifique dais, et tous ceux qui se trouvaient dans la rue ou à leur fenêtre disaient: "Les habits neufs de l’empereur sont admirables ! […]
"Mais il n’a pas d’habit du tout !", cria un petit enfant dans la foule.
"Entendez la voix de l’innocence!", dit le père; et chacun murmura à son voisin ce que l’enfant avait dit.
Puis la foule entière se mit à crier: "Mais il n’a pas d’habit du tout!" L’empereur frissonna, car il lui semblait bien que le peuple avait raison, mais il se dit: "Maintenant, je dois tenir bon jusqu’à la fin de la procession." Et le cortège poursuivit sa route et les chambellans continuèrent de porter la traîne, qui n’existait pas.

Version condensée du conte « les habits neufs de l’Empereur » de Hans Christian Andersen.

Not’ bon maître du châtiau, l’est point tout nu à courir la campagne électorale. Trop content de se faire offrir de bons vrais habits offerts par un de ses courtisans.
Mais p’t-être que dans pas longtemps on retrouvera le goudron et les plumes pour cette famille de filous.
Et pi comme y nous z’en restera des pleins tonniaux, comme on est partageux, ça va y aller du goudronnage de tous ces prétendants au trône assis sur la démocratie.
On va les faire valser comme ont valsé les roys. Tiens, on pourra surement en profiter pour se débarrasser des margoulins qui tiennent les cordons de la bourse. Et hop, ça valse. Reste du goudron et des plumes ? Pas de problème, y a les corbeaux des religions, ton sur ton. Et hop, ça valse...





Au premier temps de la valse, y a le pouvoir qu’on détruit déjà. Au premier temps de la valse, tous ensemble, on ignore leurs lois. On parie sur un autre futur, pari qui procure de la joie. On parie sur un autre futur : la rupture, la rupture est là…

PAR : Bernard
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